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La première partie restitue le texte tel qu’il a été prononcé lors de la soirée « Notre pratique de l’interprétation », le 28 mai 2020, dans le cadre du séminaire École de l’EPFCL « Actualité de la névrose ». La deuxième partie présente les travaux préparatoires, d’abord sur l’interprétation en musique, puis sur l’interprétation en informatique.

I. Interprétation musicale, méthodes formelles et interprétation psychanalytique

Dans notre champ, Lacan n’a pas retenu l’interprétation parmi les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse ; l’interprétation n’y reste pas moins une notion clé et même un devoir, comme le souligne le titre de notre 21e revue du Champ lacanien – Le devoir d’interpréter [1]. Il y a d’autres champs où l’interprétation est une pratique essentielle et, parmi ces champs, il se trouve que deux disciplines que j’ai fréquentées lui réservent une place de choix :

  • la musique, avec la question cruciale de l’interprétation musicale [2] ;
  • et l’informatique théorique, avec la branche des méthodes formelles, qui s’affrontent à l’interprétation rigoureuse des programmes et des langages [3].

Pour ma première intervention au séminaire École, je nous propose donc un petit amusement en forme d’étude différentielle, pour essayer d’isoler les spécificités de la pratique de l’interprétation qui est la nôtre.

Traits communs : textualité, opération, création

Les trois disciplines que sont la musique, l’informatique théorique et la psychanalyse partagent au niveau de l’interprétation plusieurs traits communs. Le premier trait commun, assez évident, réside dans le caractère textuel du matériel à interpréter :

  • la partition est un texte, écrit par un compositeur et interprété par un musicien ;
  • le programme informatique est aussi un texte, radicalement symbolique même, écrit par un programmeur et exécuté par une machine ou bien interprété par un spécialiste des méthodes formelles ;
  • quant aux dits de l’analysant, ils apparaissent certes d’abord sous forme de parole mais cette parole acquiert aussitôt un statut textuel, du fait que dans l’analyse les dits y sont susceptibles de déchiffrage et d’interprétation.

Le deuxième trait commun se trouve, me semble-t-il, dans l’idée plus complexe d’opération [4], au sens général d’une action qui a des effets.

Concernant l’interprétation formelle, sa nature d’opération est assez évidente : c’est une opération de traduction, à visée de vérification. En effet, utilisée spécialement dans les domaines critiques – comme les transports, l’énergie ou la finance –, l’interprétation formelle d’un programme ou d’un langage consiste à en définir une signification mathématiquement rigoureuse, dont on attend qu’elle rassure ou bien qu’elle révèle d’avance l’existence de failles plus ou moins dangereuses.

Mais comment se représenter comme opérations les interprétations psychanalytique et musicale ? Je vais m’arrêter un peu sur cette question.

Lacan a consacré l’année 1958-59 de son séminaire à l’interprétation, en décortiquant notamment des interprétations réussies ou ratées [5] de différents psychanalystes, dont Ella Sharpe, Ernst Kris, Edward Glover et Melanie Klein. Dans ce séminaire, avec des termes que je trouve précieux pour notre pratique, il a spécialement plaidé pour une interprétation à la fois « plus précise » [6], « opportune » [7] et « juste » [8]. J’ajoute que, presque vingt ans plus tard, en 1977, Lacan aura cette formule qui a retenu mon attention aussi, à la fois parce qu’elle éclaire l’option interprétative lacanienne apophantique plutôt que modale et parce qu’elle reprend ce terme de « juste » :

« l’interprétation n’a pas plus à être vraie que fausse. Elle a à être juste (…) » [9].

— Jacques Lacan

Cette formule, qui met l’accent sur la justesse comme exigence pour l’interprétation dans l’opération analytique, ne peut pas ne pas nous faire penser à la musique. Je crois que l’analogie avec la justesse musicale est intéressante pour nous, pas seulement au niveau de l’authenticité d’une interprétation musicale, c’est-à-dire du respect de la lettre du texte du compositeur et de son esprit, mais encore plus au niveau de la justesse d’une improvisation. Cette justesse idéale, celle qui est recherchée au cours d’une improvisation comme en psychanalyse, est ce que j’appellerais une forme mouvante de pertinence et d’impertinence. Autrement dit, si l’interprétation tombe juste, elle aura des effets et pourra donc être qualifiée d’opération. Dans le cas contraire, elle sera une action sans effet, comme un coup d’épée dans l’eau. Enfin, je propose qu’une dimension de création serait un troisième trait commun important à prendre en compte :

  • un musicien recréé une œuvre ;
  • une interprétation formelle créé une signification rigoureuse ;
  • et une interprétation psychanalytique, que créé-t-elle ?

Si on considère que l’interprétation analytique va dans le sens d’une réduction, disons d’une réduction de ce qui gêne, c’est difficile de soutenir qu’il y ait création. Pourtant, à suivre d’une part l’article tardif de Freud sur les constructions dans l’analyse [10] et d’autre part l’invention par Lacan du concept de sinthome [11], j’ai tendance à penser que l’interprétation psychanalytique créé bien quelque chose, en particulier des conditions plus favorables à une créativité [12] subjective.

Différences partielles : signification, ego, discours

Évidemment, ces trois disciplines ne font pas que converger. Du côté de la musique, l’interprétation musicale se distingue des deux autres par au moins deux points. Primo, l’absence de signification y est patente et facilite des modalités de jouissance hors sens. Secundo, on ne peut qu’observer que la promotion de l’ego de l’interprète musicien est consubstantielle à notre culture occidentale contemporaine, que ce soit par des prétentions d’affirmation ou d’effacement. À l’opposé, d’une part, la psychanalyse et l’analyse formelle se servent toutes les deux de la signification et, d’autre part, elles dévalorisent la question de l’ego de l’agent.

Du côté de l’informatique, l’interprétation formelle se distingue des deux autres essentiellement par l’absence de dispositif discursif. En effet, alors que la présence de modalités discursives caractérise la psychanalyse et la musique, les méthodes formelles n’ont pas à proprement parler d’adresse, ni d’écoute, de sujet ou de transfert. Il s’y déploie plutôt, dans une sorte de pureté, le « Réel du Symbolique » que Lacan évoque au début du séminaire des Non-dupes à propos de la mathématique.

Singularité psychanalytique : jouissance, limites et coupure

Quant à l’interprétation psychanalytique, éventuellement lacanienne, elle se distingue de l’interprétation musicale et des méthodes formelles par plusieurs aspects.

Elle s’en distingue d’abord par son rapport frontal voire effronté au champ de la jouissance. Ce rapport s’impose dès le niveau de l’écoute, dans le repérage préalable des signifiants jouis de lalangue [13], préalable à l’exercice de l’interprétation. Mais ce rapport à la jouissance se retrouve déjà dans la visée même de l’interprétation. À tel point que Lacan nous avertit de ce fait vertigineux que les effets de l’interprétation, dont le sens est la jouissance, sont incalculables.

L’interprétation psychanalytique se distingue aussi des deux autres pratiques par les limites de l’interprétable, que Freud pose dans ses additifs à l’interprétation des rêves. Il en évoque quatre, à savoir :

  • la nécessité du dispositif analytique pour l’interprétation ;
  • la pression des résistances du rêveur ;
  • l’impossibilité de décider si une interprétation est exhaustive ou non ;
  • et le problème de « trouver les moyens de représenter les pensées abstraites ».

Ces quatre limites me semblent propres à la psychanalyse.

L’interprétation psychanalytique – et c’est sans doute le point le plus utile pour notre pratique – se distingue encore par ce qu’il faut reconnaître comme l’une de nos méthodes les plus efficaces, vous l’avez peut-être devinée : la coupure interprétative. [14]

II. Travaux préparatoires sur l’interprétation en musique et en informatique

L’interprétation en musique

En matière d’interprétation musicale, peut-être plus qu’ailleurs, chacun a ses goûts. Vous avez probablement les vôtres.

La question devient spécialement intéressante quand on commence à en débattre et que des arguments sont produits pour mettre en avant telle ou telle interprétation musicale, tel ou tel interprète. Car, d’une part, les enjeux identificatoires, assez prégnants en musique, nous rendent souvent chatouilleux dans ces débats et, d’autre part, c’est de structure que la vérité en musique se dérobe facilement.

Si les journaux musicaux spécialisés, les radiocrochets et nos télécrochets contemporains font leurs choux gras de la comparaison entre différentes interprétations, relativement peu d’ouvrages ont été consacrés à l’étude de l’interprétation musicale en tant que telle. Parmi les quelques ouvrages conséquents [15], un livre du compositeur, chef d’orchestre et musicologue René Leibowitz se détache, avec un titre qui ne laissera peut-être pas les oreilles des analystes indifférentes : Le compositeur et son double — essais sur l’interprétation musicale. Voici un extrait de ce livre :

« Parvenus à ce qu’il est convenu d’appeler la maîtrise de leur art, [les] musiciens continuent néanmoins à éprouver des difficultés et des incertitudes. Les raisons d’un tel état de choses sont faciles à comprendre : le compositeur, dont les œuvres constituent la raison d’être de l’interprète, exige de celui-ci un effort de lecture[16] qui est une des tâches les plus ardues qui soient. On peut dire qu’aucun interprète n’a jamais fini de déchiffrer un texte et qu’il réussit rarement à se confondre avec ce texte, à devenir le double du compositeur. »

(Leibowitz 1971, 4e de couverture)

Je trouve frappant cet extrait sur le travail et la mission de l’interprète musical, qui conquiert son statut d’interprète en tant qu’il vise à se confondre avec un texte, à devenir du compositeur son double – Leibowitz dira aussi son analogon [17].

Cette idée d’analogon ou de double, telle qu’elle est soutenue par Leibowitz pour l’interprète musicien, n’est pas sans nous évoquer des points bien connus du travail et de la pratique de l’interprète psychanalyste. Son rappel de l’exigence de « l’effort de lecture » consonne bien sûr pour nous avec le travail freudien classique, si patent dans sa monumentale Traumdeutung [18] pour atteindre au contenu latent du rêve, puis ailleurs dans son œuvre pour déchiffrer les autres formations de l’inconscient que sont les lapsus, les mots d’esprit, les actes manqués et le symptôme lui-même. Quant au fait que l’interprète musicien continue d’éprouver « des difficultés et des incertitudes » après sa formation, l’expérience nous montre qu’il n’en est pas autrement pour les psychanalystes, pour des raisons différentes cependant, dont les vicissitudes du transfert, les conséquences de l’absence de métalangage et la tension entre l’exigeante nécessité d’à-propos et la singularité irréductible de chaque lalangue, qu’il faut pourtant bien essayer d’entendre.

D’un autre côté, l’analogie séduisante du double a évidemment ses limites dans le cas la psychanalyse, car la place de l’analyste par rapport à l’analysant n’est pas de l’ordre de l’alter ego, ni du double narcissique, ni du double spéculaire, ni de l’écho, ni du surmoi, ni même de l’idéal.

Alors finalement, dans quelle mesure l’idée que l’interprète musicien devrait idéalement se faire un double du compositeur peut-elle nous renvoyer à la place de l’interprète psychanalyste par rapport à l’analysant ? On peut déjà dire que la place de l’analyste n’est sans doute pas si éloignée d’un analogon, non pas de l’analysant en tant que sujet, mais d’une partie essentielle de l’analysant, soit l’objet a de l’analysant, et que cette place de l’analyste n’est pas non plus sans rapport avec l’effort pour se confondre avec le texte de l’analysant, dans la pratique de la scansion, comme dans la visée de faire résonner certains signifiants électifs de l’analysant, et pas n’importe lesquels.

L’interprétation en informatique

Concernant l’interprétation en informatique théorique, il y a au moins deux branches qui y ont un rapport privilégié : les thérapeutes virtuels et les méthodes formelles.

Les thérapeutes virtuels

Commençons par la branche dite du « traitement automatique du langage naturel » (TALN), un domaine à la croisée de la linguistique, de l’informatique et de l’intelligence artificielle. On ne peut pas ne pas citer le fameux programme historique Eliza, écrit dès le début des années 1960 par Joseph Weizenbaum au M.I.T. [19]

Eliza est un programme qui rend possible la conversation avec un ordinateur via le langage naturel, à l’écrit. Bien que Eliza ait été conçu pour accueillir différents modèles conversationnels, il se trouve que le modèle qui a rencontré un certain succès est celui qui tente de simuler un entretien avec un psychothérapeute rogérien [20]. Les adeptes de Carl Rogers sont censés respecter des principes d’empathie et de non-jugement, et en effet ces principes correspondent assez naturellement au fonctionnement d’Eliza, qui procède essentiellement par des reformulations, à partir de l’identification de mots-clés dans le texte du locuteur. Voici un extrait du début de la conversation citée dans l’article de 1966 :

  • Les hommes sont tous pareils.
  • Dans quel sens ?
  • Ils nous embêtent tout le temps, pour tout et n’importe quoi.
  • Pensez-vous à un exemple en particulier ?
  • Par exemple, mon copain m’a fait venir ici.
  • Votre copain vous a fait venir ici ?
  • Il dit que je suis déprimée la plupart du temps.
  • Je suis désolé d’apprendre que vous êtes déprimée.
  • C’est vrai. Je me sens malheureuse.
  • Est-ce que vous pensez que venir ici peut vous aider à ne pas vous sentir malheureuse ?

Dans cet extrait, on constate que le programme reprend des mots-clés – comme copaindépriméemalheureuse – et s’en tient à reformuler des questions ou des remarques à partir de ces mêmes mots-clés. Notons que l’étape d’identification des mots-clés est réalisée à partir d’une analyse purement syntaxique des phrases du locuteur, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’aspects sémantiques à ce stade.

À l’époque, certaines personnes ont eu du mal à admettre que leur conversation n’avait pas eu lieu avec un humain mais seulement avec un programme informatique [21]. L’observation de ce phénomène de leurre a permis à Weizenbaum, dans son article, d’aborder rien de moins que la notion de transfert, sans le nommer toutefois, ainsi que celles de mémoire et de crédibilité [22]. Aujourd’hui, plus d’un demi-siècle plus tard et à l’heure du fleurissement des assistants vocaux comme Siri d’Apple ou Alexa d’Amazon, l’expérience qu’on peut faire avec Eliza se révèle vite décevante, puisqu’il suffit en général de quelques échanges pour qu’on commence à s’ennuyer [23].

En revanche, avec une brève anecdote, je peux témoigner d’une certaine puissance de cet effet de leurre induit par certains de ces programmes de conversation. Je me souviens, lors de mes études d’informatique dans les années 2000, dans un lieu particulier nommé « le bocal », avoir été témoin de l’angoisse de certains de mes camarades, apparue inopinément lorsqu’ils se sont rendu compte d’un effet inattendu : l’agent conversationnel virtuel (chatbot) qu’ils avaient programmé pour s’amuser et mis en service sur des sites de rencontres en ligne, il s’est avéré que de vraies personnes en étaient tombées amoureuses.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les rapports entre le traitement automatique du langage naturel et l’interprétation, mais je veux évoquer aussi ici une partie importante des méthodes formelles : la sémantique formelle.

La sémantique formelle

De façon encore plus intéressante pour nous, l’informatique théorique recèle une autre discipline liée à l’interprétation et a fait rêver certains linguistes [24], nous-même aussi bien dans le déchiffrage, en ce qu’elle s’approche assez près d’un fantasme très particulier – à savoir le fantasme de la signification…

Au delà de ce fantasme, cette discipline, la sémantique formelle [25], nous intéresse aussi par ses élaborations et ses expériences sur le fonctionnement du symbolique sous sa forme radicale des langages de programmation, rejoignant l’appel de Lacan dans le texte qu’il avait choisi pour l’ouverture de ses Écrits, « La lettre volée », quand il nous lègue sa question de l’époque : « Le programme qui se trace pour nous est dès lors de savoir comment un langage formel détermine le sujet. » [26]

Cette question de 1956 nous semble aujourd’hui caduque, d’autant que Lacan n’a pas poursuivi cette piste cybernétique par la suite. Pourquoi l’a-t-il abandonnée ? Et que pourrait-on attendre d’une réouverture de la piste formaliste ?

Concernant la première question – pourquoi l’abandon de cette piste ? –, on peut répondre qu’à l’époque, l’informatique théorique défrichait seulement les aspects syntaxiques des langages formels et que Lacan en avait probablement déjà tiré ce qu’il pouvait, avec les automates. Ce n’est que plus tard que les aspects sémantiques seront explorés en informatique théorique, à partir du milieu des années 1960. Et au moment où Lacan aurait pu s’intéresser à ces nouveaux développements, son invention en 1971 du concept de lalangue va invalider son idée de chaîne signifiante et rebattre les cartes de sa conception du rapport de l’inconscient au symbolique. Mais cela ne veut pas dire que ce rapport au symbolique a été aboli ; c’est plutôt un virage. Ce virage, d’une part, promeut l’idée d’un ensemble de signifiants à la place de l’idée d’une chaîne de signifiants, comme Colette Soler l’a souligné [27] et, d’autre part, il y introduit une jouissance associée, avec l’idée de signifiants jouis.

Concernant la seconde question, à savoir – qu’est-ce que l’on peut attendre d’une réouverture d’une piste formaliste ? –, je vais me limiter dans la suite de l’exposé à poser des jalons pour une reformulation plus détaillée de cette question, en essayant d’établir certains enjeux et les termes d’une éventuelle connexion entre psychanalyse et sémantique formelle.

L’objection majeure à une exploration des méthodes formelles pour la théorie et la pratique psychanalytiques consiste à se dire que, si les signifiants de l’inconscient ne sont pas organisés en chaîne, alors à quoi bon s’intéresser aux formalismes sémantiques ? L’absence de rapport entre les signifiants jouis semble donc démentir l’existence d’un niveau de détermination du sujet par un langage formel et par suite démentir la possibilité d’un intérêt pour les psychanalystes à étudier les formalismes afférents.

La seconde objection consiste à pointer qu’il s’agit de langage naturel dans la psychanalyse, et non pas de langages formels, et qu’à ce titre, la linguistique paraît plus appropriée [28]. Sans doute, et d’ailleurs Lacan n’a pas manqué de s’intéresser à la linguistique, de Saussure à Jakobson en passant par Chomsky, voire d’interagir avec elle, par exemple sur la métaphore et la métonymie. Pour ma part, je ne suis pas compétent en linguistique, mais j’ai eu l’occasion de rencontrer les méthodes formelles pendant un an [29]. Je vais donc faire une présentation synthétique de la sémantique formelle et poser quelques points d’accroche possibles pour la psychanalyse.

En effet, au-delà de ces objections, je crois qu’il existe des raisons positives de s’intéresser aux méthodes formelles et en particulier à la sémantique formelle.

Parmi ces raisons, il y a le fait que le langage est inéliminable de la pratique de parole qu’est la psychanalyse. Le psychanalyste est appelé à l’interprétation des dits de l’analysant, des formations de son inconscient et au dégagement de ses signifiants maîtres, au moins pendant toute une période de la cure. De fait, avant de pouvoir pointer le réel en tant qu’il se trouve au-delà du sens et de la signification, il faut bien en passer par une étape préalable qui leur donne suffisamment de substance, jusqu’au point où le sens et la signification pourront, avec le sexe, se révéler comme des dimensions de l’impossible [30].

Il y a aussi le caractère symbolique et automatique du phénomène de l’automatisme de répétition, que nous côtoyons quotidiennement dans nos cures, auquel il faut ajouter le phénomène du discours intérieur, qui s’entretient en chacun de nous et qui reste aussi de l’ordre de l’automatisme. Symbolique et automatisme nous renvoient à la théorie des automates, qui est au principe des méthodes formelles.

Il y a encore une raison, à chercher du côté du réel cette fois. Car à suivre Lacan, la science du réel, c’est la logique [31]. Or la logicisation du langage et de son interprétation, c’est précisément la tâche de la sémantique formelle, que l’absence des compromis nécessaires à la linguistique rend plus claire que cette dernière.

***

J’en viens donc à ma présentation de la sémantique formelle.

La sémantique formelle étudie la signification des programmes informatiques, voire la signification des langages de programmation eux-mêmes [32]. C’est un outil important à la fois pour les programmeurs et pour les concepteurs de langages informatiques. Elle se ramifie en plusieurs spécialités aux noms évocateurs : les sémantiques standards, dont la sémantique opérationnelle et la sémantique dénotationnelle, et les sémantiques dites non-standards, dont la sémantique axiomatique et l’interprétation abstraite.

Comme en linguistique, il y a un signifiant – un programme ou un langage de programmation – et un signifié – un objet mathématique, qui dépend des propriétés qu’on veut observer ou vérifier. À la différence de la linguistique, la sémantique formelle établit entre le signifiant et le signifié un lien non pas plurivoque mais univoque, lien qu’on peut écrire [[S]]σ = s, c’est-à-dire : « la sémantique du signifiant S, sachant le contexte σ, est le signifié s ».

Les sémantiques standards interprètent la signification attendue qu’un programme ou d’un langage, c’est-à-dire l’évaluation dans le cas d’un programme et la sémantique canonique dans le cas d’un langage, et diffèrent seulement par leur formalisme.

  • La sémantique opérationnelle [33] interprète des programmes via un système de transition d’états successifs de la machine. L’automate de Lacan dans « La lettre volée » pourrait être un exemple du résultat de l’interprétation opérationnelle d’un programme qui génère des séquences de symboles + et -.
  • La sémantique dénotationnelle [34] interprète un programme ou un langage de programmation via des fonctions mathématiques. L’intérêt de l’approche dénotationnelle par rapport à l’approche opérationnelle réside dans la préservation de la composabilité : la dénotation d’un programme est construite à partir de la dénotation de ses parties.
  • Les sémantiques dites non-standards interprètent des usages autres que l’évaluation d’un programme ou que la sémantique canonique d’un langage. Elles sont utilisées dans tous les autres cas, comme le typage d’un programme, sa mise en forme, le profilage d’une évaluation, les détails d’implémentation d’un langage, etc.
  • La sémantique axiomatique [35] interprète la validité de propriétés via un ensemble de prédicats logiques. Il s’agit moins d’une sémantique complète comme les deux précédentes que d’un outil de vérification d’assertions, qui permet de prouver automatiquement des propriétés choisies et donc d’éviter de devoir vérifier les programmes avec un ensemble de cas d’usages à chaque modification.
  • L’interprétation abstraite [36] étudie les relations entre ces différentes sémantiques et recherche des stratégies d’approximations sémantiques qui soient calculables. En effet, dans la pratique, lorsque l’on veut vérifier un logiciel, il faut que cette vérification se fasse dans un temps fini et acceptable, ce qui est souvent difficile voire impossible hors de quelques programmes rudimentaires. Car non seulement la vérification exhaustive peut prendre un temps très long, mais elle peut aussi bien ne jamais pouvoir finir ; d’où l’importance pratique des approximations. Or pour que ces approximations restent utiles à la preuve logicielle, il y a besoin d’une théorie de l’approximation sémantique, et c’est précisément l’objet de l’interprétation abstraite.

Ces sémantiques ne sont pas sans rapport entre elles. Dans la théorie, elles partagent au moins l’univocité sémantique ainsi que les deux significations extrêmes et terminales que sont l’identité syntaxique et le chaos. Dans la pratique, les logiciels assistants de preuve actuels [37] intègrent plusieurs types de sémantiques et permettent de les faire interagir.

Que peut-on retirer de cette présentation synthétique de la sémantique formelle pour la psychanalyse ? À ce stade, je ne peux formuler que de nouvelles questions et des spéculations, que je soumets ici à la communauté.

  1. Que peut-on espérer en faisant jouer l’analogie entre la dichotomie formelle des sémantiques standards et non-standards et la dichotomie freudienne des contenus manifestes et latents ? Les sémantiques standards dénotationnelle et opérationnelle correspondraient assez bien au contenu manifeste, dans le sens où tous s’occupent des référents de l’énoncé, c’est-à-dire de la signification canonique, attendue et normale. De l’autre côté, une analogie entre les sémantiques non-standards axiomatique et abstraite et le contenu latent est d’emblée moins évidente à établir, car ces sémantiques sont extrêmement variées en fonction de leur visée alors que la quête du contenu latent ne varie pas, puisqu’elle porte sur l’interprétation du désir de l’énonciation.
  2. D’où une autre question : est-ce qu’une étude des sémantiques non-standards pourrait contribuer au savoir psychanalytique ? et si oui, comment ? Les sémantiques non-standards se caractérisent par un souci pratique. La sémantique axiomatique vérifie des propriétés choisies, et son auteur emploie un principe de sélection dans ses choix des propriétés à vérifier. L’interprétation abstraite, quant à elle, vise à garantir que la vérification automatique terminera bien et dans un temps acceptable, en opérant des approximations plus ou moins drastiques. On peut déjà remarquer que ces deux stratégies sélective et temporelle rejoignent la question de la justesse de l’interprétation psychanalytique, dans ses dimensions de pertinence et d’à-propos.
  3. Enfin, d’une façon plus large, comment la sémantique formelle, dans son rapport cristallin au réel du symbolique, serait-elle susceptible d’éclairer la différence lacanienne pas si facile à appréhender entre sens et signification ? [38]

En conclusion, je peux seulement dire qu’il y a peut-être pour l’affûtage de notre pratique interprétative un gisement encore peu aperçu dans ce type de recherches sémantiques formelles – à la fois grâce à leur degré d’élaboration et leur diversité d’approches – si nous admettons l’idée que la psychanalyse ne se fait pas sans le langage ni sans la logique, dans l’interprétation des formations de l’inconscient, du désir, des identifications, comme dans les pérégrinations de la question « qui suis-je ? ».


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  • Trudel, M. n.d. “Eliza, thérapeute virtuelle.” Accessed March 20, 2020. http://eliza.levillage.org/index.html.
  • Weizenbaum, Joseph. 1966. “ELIZA—a Computer Program for the Study of Natural Language Communication Between Man and Machine.” Communications of the ACM 9 (1): 36–45.

Notes

  • [1] EPFCL-France, Le devoir d’interpréter.
  • [2] Leibowitz, Le compositeur et son double: essais sur l’interprétation musicale.
  • [3] Le fameux « Abelson et Sussman » constitue une bonne introduction au domaine (Abelson, Sussman, et Sussman, Structure and interpretation of computer programs.).
  • [4] J’avance que l’idée d’opération est plus complexe que celle de textualité, d’une part parce que la textualité s’impose à nous dans sa « motérialité » (Lacan, « Conférence à Genève sur le symptôme ») et d’autre part, parce que le terme d’opération possède plusieurs sens qui peuvent s’appliquer à l’interprétation et que chacun de ces sens présente des difficultés à saisir, que ce soit l’opération formelle telle que développée par Granger, qui la rapproche de la flèche dans la théorie des Catégories tout en insistant sur l’imperfection de la codétermination des opérations et des objets (Granger, Formes, opérations, objets., p.388) ou que ce soit l’analogie lacanienne de l’opération chirurgicale de la circoncision psychique (« Ce qui se propose ici comme visée à l’horizon pour l’interprétation analytique n’est rien d’autre qu’une espèce d’opération de circoncision psychique. » Lacan, Le désir et son interprétation., p.228) ou de l’épissure et du raboutage (cf. figure 26 « La double épissure de l’interprétation analytique », reprenant la séance du 20 janvier 1976 du séminaire Le sinthome. Bousseyroux, « Tu es cela »., p.95).
  • [5] « Coincer l’adversaire à la sortie et le prendre à la gorge, c’est justement là la réaction inadéquate. Pas un instant ça ne vous rend plus capable le corner au jeu, c’est-à-dire là où se passent les relations avec l’Autre, l’Autre comme lieu de la parole, comme lieu de la loi, comme lieu des conventions du jeu. C’est justement cela qui se trouve, par cette légère déclinaison de l’acte d’intervention analytique, raté. » (Lacan, Le désir et son interprétation., p.252).
  • [6] « C’est pourquoi je pose en somme la question de savoir si, par une méthode plus prudente, pouvant être considérée comme plus stricte, nous ne pouvons pas arriver à une plus grande précision dans l’interprétation. » (Lacan., p.254).
  • [7] « On ne peut pas dire que le sujet [en analyse avec Ella Sharpe] soit dans une position de pure et simple négation, qu’il rejette purement et simplement la proposition de l’analyste, qui paraît être au contraire le type même de l’interprétation opportune […] » (Lacan., p.194).
  • [8] « Il s’agit pour moi de vous apprendre à épeler, si l’on peut dire, dans quel sens vont un certain nombre d’inflexions que l’analyste fait subir à la compréhension du matériel qu’elle nous présente et qui, loin d’en augmenter l’évidence, empêchent d’en donner la juste interprétation. » (Lacan., p.225).
  • [9] « Traiter le symptôme comme un palimpseste, c’est dans la psychanalyse une condition d’efficacité. Mais ceci ne dit pas que le signifiant qui manque pour donner le trait de vérité ait été effacé, puisque nous parlons quand nous savons ce que dit Freud, de ce qu’il a été refoulé et que c’est là le point d’appel du flux inépuisable de significations qui se précipite dans le trou qu’il produit. Interpréter consiste certes, ce trou, à le clore. Mais l’interprétation n’a pas plus à être vraie que fausse. Elle a à être juste, ce qui en dernier ressort va à tarir cet appel de sens, contre l’apparence où il semble fouetté au contraire. » (Lacan, « Préface à l’ouvrage de Robert Georgin »., p.16).
  • [10] « La raison pour laquelle on entend si peu parler de « constructions » dans les exposés de la technique analytique, c’est qu’au lieu de cela on parle d’ »interprétations » et de leur effet. Mais, à mon avis, le terme de construction est de beaucoup le plus approprié. » (Freud, « Constructions dans l’analyse », p.273).
  • [11] L’analysant crée au niveau du sinthome avec différentes opérations comme le raboutage et l’épissure : « nous apprenons à l’analysant à épisser, à faire épissure entre son sinthome et le Réel parasite de la jouissance. » (Lacan, Le séminaire. Livre XXIII: Le sinthome, 1975-1976., p.73).
  • [12] Je propose ici la formule de créativité subjective, comme pouvoir de création du sujet, inspirée par l’idée de Georges Canguilhem sur la normativité du vivant, comme pouvoir normatif biologique. Le parallèle serait à creuser, notamment avec les créations psychiques désirantes ou défensives et son idée des normes propulsives ou répulsives. « Parmi les allures inédites de la vie, il y en a de deux sortes. Il y a celles qui se stabilisent dans de nouvelles constantes, mais dont la stabilité ne fera pas obstacle à leurs nouveaux dépassements éventuels. Ce sont des constantes normales à valeur propulsive. Il y a celles qui se stabiliseront sous forme de constantes que tout l’effort anxieux du vivant tendra à préserver de toute éventuelle perturbation. Ce sont bien encore des constantes normales, mais à valeur répulsive, exprimant la mort en elles de la normativité. En cela elles sont pathologiques, quoique normales tant que le vivant en vit. » (Canguilhem, Le normal et le pathologique., p.180).
  • [13] « Comme le disait Jakobson de la fonction poétique, tout dans lalangue est jeu et glissement de sens et de sons. L’homophonie en est la pointe la plus fine. » (Toboul, « Le principe de jouissance »., p.30).
  • [14] « La coupure est sans doute le mode le plus efficace de l’interprétation analytique. Cette coupure, on veut la faire mécanique, la soumettre à un temps préfabriqué. Eh bien, non seulement nous la mettons effectivement tout à fait ailleurs, mais nous ajoutons que c’est l’une des méthodes les plus efficaces de notre intervention. Sachons y insister et nous y appliquer. Cela dit, n’oublions pas la présence, dans cette coupure, de ce que nous avons appris à reconnaître sous la forme de l’objet phallique, latent à tout rapport de demande comme signifiant du désir. » (Lacan, Le désir et son interprétation., p.572).
  • [15] On peut aussi citer les essais musicologiques de Gisèle Brelet, plus anciens (Brelet, L’interprétation créatrice (1): l’exécution et l’œuvre. Et Brelet, L’interprétation créatrice (2): l’exécution et l’expression.).
  • [16] C’est moi qui souligne.
  • [17] « Il nous est donc possible de dire que, de même que l’exécution est un analogon de l’œuvre, l’interprète est l’analogon du compositeur. Sa fonction consiste tout d’abord […] en cette prise de conscience authentique du sens de l’œuvre (et, bien entendu – ceci en découle –, dans un acte de complète probité artistique à l’égard de ce sens), afin que, ayant pénétré ce sens, il se substitue en quelque sorte – pour la durée de l’exécution – au compositeur lui-même. C’est à ce moment qu’il devient précisément son analogon, ou son double. » (Leibowitz, Le compositeur et son double: essais sur l’interprétation musicale., p.17).
  • [18] « les éléments du contenu onirique à appréhender symboliquement nous contraignent à une technique combinée qui d’un côté s’appuie sur les associations du rêveur, et d’autre part intègre ce qui manque à partir de l’intelligence que l’interprète a des symboles. » (Freud, L’Interprétation du rêve., p.394)
  • [19] L’article fondateur date de 1966 (Weizenbaum, « ELIZA—a computer program for the study of natural language communication between man and machine ».).
  • [20] « At this writing, the only serious Eliza scripts which exist are some which cause Eliza to respond roughly as would certain psychotherapists (Rogerians). » (Weizenbaum., p.42).
  • [21] « Some subjects have been very hard to convince that ELIZA (with its present script) is not human. This is a striking form of Turing’s test. » (Weizenbaum., p.42).
  • [22] « […] it serves the speaker to maintain his sense of being heard and understood. The speaker further defends his impression (which even in real life may be illusory) by attributing to his conversational partner all sorts of background knowledge, insights and reasoning ability. » (Weizenbaum., p.42).
  • [23] Une version interactive traduite en français est disponible sur internet (Trudel, « Eliza, thérapeute virtuelle ».).
  • [24] La preuve formelle diffère d’un argument donné dans un langage naturel par le fait qu’elle est rigoureuse, dépourvue d’ambiguïté et vérifiable de façon mécanique. Cette absence d’ambiguïté sémantique contraste avec l’ambiguïté irréductible du langage naturel qui donne tant de difficulté et d’intérêt à la linguistique.[25] Je remercie ici Pierre Jouvelot, mon ancien directeur au Centre de recherche informatique de Mines ParisTech, pour ces références bibliographiques sur les méthodes formelles et pour nos discussions variées.[26] Lacan, « Le séminaire sur “la Lettre volée” »., p.42.
  • [27] « [Ce hiatus entre l’inconscient désir et l’inconscient savoir] le conduit [Lacan] au terme à affirmer finalement, que dans l’inconscient les signifiants ne font pas chaîne, contrairement à ce qu’il avait dit au départ (…) » (Soler, « L’énigme du savoir », p.40).
  • [28] Signalons qu’il y a eu des tentatives de sémantique formelle en linguistique : Richard Montague s’en est saisi pour des buts linguistiques vers 1970, avant l’émergence réactionnelle de la sémantique dite cognitive vers 1975 (Rastier, « La sémantique cognitive. Éléments d’histoire et d’épistémologie », p.157).
  • [29] À l’occasion d’un post-doctorat au Centre de recherche en informatique de Mines ParisTech.
  • [30] « De tout cela, [l’analyste] saura se faire une conduite. Il y en a plus d’une, même des tas, à convenir aux trois dit-mensions de l’impossible : telles qu’elle se déploient dans le sexe, dans le sens, et dans la signification. » (Lacan, « L’étourdit », p.487).
  • [31] Lacan rappelle l’intérêt de la logique pour les psychanalystes, après la linguistique, à Vincennes en 1975 : « Logique – Pas moins intéressante. À condition qu’on l’accentue d’être science du réel pour en permettre l’accès du mode de l’impossible. » (Lacan, « Peut-être à Vincennes… »).
  • [32] Schmidt, « Programming language semantics ».[33] Plotkin, « The origins of structural operational semantics ».
  • [34] Stoy, Denotational semantics: the Scott-Strachey approach to programming language theory.
  • [35] Hoare, « An axiomatic basis for computer programming ».
  • [36] Cousot, « Interprétation abstraite ».
  • [37] Pour un panorama critique des assistants de preuve, voir Geuvers, « Proof assistants: History, ideas and future ». Il faut aussi citer Coq, l’assistant de preuve aujourd’hui le plus utilisé et français, une fois n’est pas coutume ; cf. (Barras et al., « The Coq proof assistant reference manual ») et https://coq.inria.fr.
  • [38] « Mettons en train ici l’affaire du sens, plus haut promise, de sa différence d’avec la signification. » (Lacan, « L’étourdit »., p.479). Puis : « l’interprétation est du sens et va contre la signification. » (Lacan, ibid., p.480).